Le psychologue, de l’entreprise au tribunal : un métier aux multiples facettes
Il y a une trentaine d’années, les psychologues avaient encore leur place au sein des grandes entreprises industrielles ou d’économie mixte, souvent intégrés dans les départements autrefois appelés « services du personnel ». Ils y œuvraient à l’ergonomie, au recrutement et à la formation, et on trouvait notamment des confrères au sein d’entités telles que La Poste ou l’EDF, héritières de solides traditions industrielles. Les pratiques de sélection du personnel dans les usines PEUGEOT de Sochaux, par exemple, s’appuyaient sur des batteries de tests conçues par un psychologue renommé, Bonnardel. Au fil du temps, ces départements se sont transformés en « Ressources Humaines », privilégiant le recrutement de diplômés d’écoles de commerce au détriment des psychologues, ces derniers devenant plus rares au sein des grandes structures.
Désormais, les psychologues du travail se rencontrent plus aisément dans les missions locales pour l’emploi ou dans les centres de formation que dans le secteur industriel. De leur côté, les cabinets de conseil libéraux ont vu leur champ d’action s’élargir, s’inspirant parfois des méthodes américaines sous l’étiquette de « consultants ». Les psychologues du travail s’affirment dans ce domaine, même si les formations hétérogènes de certains concurrents mettent en cause la légitimité et la spécificité des compétences psychologiques.
Le psychologue du travail en libéral
En cabinet, un psychologue du travail peut intervenir dans différents domaines, à commencer par le recrutement, enjeu crucial pour l’entreprise. Il s’agit de :
- Nouer des contacts avec la direction, en expliquant la valeur ajoutée d’une approche fondée sur le respect de la personne, l’analyse rigoureuse des candidatures et la connaissance des tests psychologiques.
- S’appuyer sur un cabinet spécialisé en communication pour diffuser des annonces ciblées et maîtriser l’environnement médiatique.
- Savoir échanger avec tous les niveaux hiérarchiques afin de cerner précisément le poste à pourvoir.
- Gérer la sélection des dossiers, mener des entretiens téléphoniques préparatoires, conduire des entretiens individuels et restituer les conclusions dans un langage compréhensible par des non-spécialistes.
- Garantir la qualité du recrutement, informer les candidats des résultats et suivre l’intégration du nouvel employé pendant sa période d’essai.
- Étudier soigneusement la dimension financière de la mission, de l’établissement du devis à l’encaissement final.
Cette approche globale du monde professionnel peut conduire le psychologue du travail à étendre ses compétences et à proposer :
- Du coaching, souvent pour des commerciaux ou d’autres catégories de personnel.
- L’animation d’ateliers destinés à élaborer, par exemple, le « document unique » annuel, outil de prévention et de sécurité.
- La réalisation de bilans de compétences, financés par le FONGECIF ou d’autres organismes.
- Des audits psychosociaux au sein des organisations.
Cependant, le psychologue du travail se trouve souvent confronté à des problématiques cliniques. Maintenir un libre arbitre, préserver la relation de confiance avec le client tout en répondant aux demandes, exige un sens aigu de l’équilibre.
Dans le cadre de l’entreprise, comprendre les difficultés familiales peut aussi s’avérer utile. Vie privée et vie professionnelle s’influencent mutuellement, même si le salarié est censé ne pas dévoiler sa vie personnelle sur son lieu de travail. Cette tension souligne l’importance de la posture globale du psychologue.
Passerelles vers d’autres secteurs
La polyvalence du psychologue du travail peut faciliter la transition vers d’autres activités. Par exemple, un psychologue habitué aux exigences de rédaction et d’analyse en entreprise peut s’orienter vers des fonctions d’expert près d’une Cour d’Appel, dans le domaine civil, ou être assermenté pour réaliser des enquêtes sociales.
Les enjeux familiaux et la protection de l’enfance étant devenus dominants dans certaines procédures judiciaires (garde d’enfants, droits de visite, tutelles), le juge peut solliciter un psychologue pour mieux comprendre les motivations, les dynamiques familiales et le contexte professionnel qui leur est associé. Celui-ci a pour tâche de mener une enquête, éventuellement assortie d’un bilan psychologique, puis de remettre au tribunal un rapport structuré et clair, contenant des conclusions susceptibles d’orienter les décisions du magistrat.
Cette activité implique :
- Une certaine mobilité géographique.
- Des compétences rédactionnelles de haut niveau, pour produire des rapports lisibles, précis et utiles, sachant que les avocats pourraient mettre en exergue la moindre faille.
- Un professionnalisme irréprochable, car on peut être soumis à des contre-expertises.
- La capacité à trouver les mots justes, nuancés, afin de faire accepter les préconisations auprès de toutes les parties concernées.
Un métier non segmenté
L’évolution de notre société ne cesse de façonner nos modes d’intervention. L’unité du titre de psychologue se révèle précieuse, car elle autorise une variété d’applications, à l’instar d’autres professions libérales comme les avocats ou les experts-comptables qui, forts d’une formation globale, interviennent dans différents secteurs.
Bien que le modèle médical ait tendance à enfermer les psychologues dans des spécialisations étroites, la vision d’ensemble proposée par la psychologie permet d’appréhender la personne dans sa globalité. Si un psychologue ne se sent pas suffisamment compétent dans un domaine, il lui est possible de travailler en collaboration avec un confrère plus expérimenté dans ce champ particulier, complétant ainsi ses propres compétences. Cette souplesse et cette solidarité professionnelle soutiennent l’idée d’une profession unifiée, ouverte sur divers horizons et prête à répondre aux besoins changeants de notre société.